jeudi 2 mai 2013

L'ARCHITECTURE DU TEMPS

Résumé de la conférence de Éric Lapierre, architecte

 

La recherche de l'évidence est un des axes autour desquels s'articulent la pensée et la pratique architecturales de Éric Lapierre. L'évidence, dit-il, est ce qui émane d'un bâtiment dont l'existence paraît naturelle; on ne l'imaginerait pas fait différemment. Un architecte, à cause du savoir qu'il possède en la matière, est extrêmement conscient des gestes qu'il pose. Cela rend difficile ce naturel dont il est question, cet oubli de soi et de ses goûts, ses habitudes, ses réflexes... Pourtant, une fois qu'on laisse entrer une certaine innocence (cette «naïveté» qu'on peut retrouver dans l'architecture sans architecte) dans l'oeuvre savante, l'architecture peut enfin s'exprimer clairement et significativement.

M. Lapierre est d'avis que les bâtiments dont la valeur se base sur la nouveauté ou le spectaculaire sont vite oubliés. La nouveauté finit par passer et l'on s'habitue rapidement au spectaculaire. Il vise plutôt une modestie dans les moyens d'expression; réduits au minimum, ils permettent aux moindres changements, contrastes et contradictions positives induits dans le bâtiment de prendre une force insoupçonnée. 

S'il y a une nouveauté à observer dans l'architecture, c'est justement dans ces décalages qu'elle se trouve. Cependant, souligne M. Lapierre, ils proviennent de rapports entre des éléments déjà existants. C'est ainsi que l'architecture s'inscrit dans le temps: à travers un contexte, quelque chose qui était déjà là et qu'il faut apprendre à aimer puisqu'on doit s'en accommoder.

La pensée moderniste veut que le temps soit comme une flèche qui avance inlassablement vers le progrès, en laissant le passé en arrière. M. Lapierre, au contraire, considère le temps comme une spirale entrecoupée de lignes qui relient les époques entre elles: les traditions. Dans l'architecture, cela se manifeste entre autres dans la cohabitation entre les bâtiments «du passé» et ceux qui sont contemporains. Les premiers ne sont pas séparés des seconds, ils appartiennent autant à l'expérience quotidienne que nous avons de la ville. À ce titre, ils sont, eux aussi, contemporains.

Refuser de se couper totalement du passé n'est pas réactionnaire. D'abord, le savoir historique permet de ne pas constamment repartir à zéro, en apprenant de ce qui a déjà été fait. De plus, puisque l'architecture est perçue par rapport à ce qu'on connaît déjà, il est impératif de conserver ces liens pour la comprendre. M. Lapierre nous propose d'imaginer une oeuvre (architecturale, picturale ou littéraire) qui serait nouvelle à 100%. Elle serait également incompréhensible, car totalement méconnaissable. 
 
En d'autres termes, l'architecture part de la langue commune à tous pour en créer sa propre version. De cette façon, elle inscrit le bâtiment qui en résulte dans la collectivité; elle le rend accessible en éclairant les choses plus «obscures» (les fameux décalages) de la lumière de la familiarité des conventions et des traditions.










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